Honte ...
J’ai travaillé, il y a bien longtemps, dans un grand magasin style « Au bonheur des dames » en un peu plus moderne.
Je me souviens d'une vendeuse et collègue de travail, que je nommerai Simone, avec laquelle je m'entendais très bien. Agée de près de quarante ans, elle aimait Louis Aragon, Jean Ferrat et Jacques Brel. Pince sans rire et moqueuse, son humour fin et peu commun m'avait conquise. Parfois, elle recevait la visite d'une dame d'environ soixante-dix ans, très discrète et vêtue de noir. On avait l'impression qu'elle voulait passer inaperçue derrière ses lunettes aussi noires que son manteau. Peut-être était-elle veuve ? C'était, en tout cas, ce qu'il semblait. Simone nous disait que c'était la tante de son mari mais personne ne lui avait demandé de détails.
Un jour que Simone se trouvait en réserve pour réassortir son rayon de maroquinerie, la dame se présenta. Nous l'avons saluée et la vendeuse du rayon fumeur interpella à haute voix la responsable du rayon.
- Vous pouvez appeler Simone en réserve, sa tante est là ...
- Non, je ne suis pas sa tante, je suis sa mère...
répliqua la dame un peu confuse.
Simone nous avait pourtant dit plusieurs fois que c'était la tante de son mari.
Avait-elle compris que sa fille ne nous l'avait pas présentée comme sa mère ?
Nous espérions que non et qu'elle penserait que nous avions fait une confusion entre tante et mère. Nous étions éberluées. Comment Simone avait-elle pu nous mentir sur son lien de parenté et pourquoi ? Elle avait honte de sa mère, quelle honte ? Nous avons cherché à comprendre sans lui poser de question mais nous n'avons pas trouvé de réponse.
Cette dame si discrète ne semblait pas assez "bien" pour sa fille...
Comme c'est triste !
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